Comment réussir l'optimisation énergétique dans les bâtiments

Les grandes entreprises investissent chaque année des millions pour réduire leurs émissions de CO2. Mais comment les PME peuvent-elles aussi se permettre de se décarboniser ?

Avec une gestion efficace de l'énergie, car cela leur permet même d'économiser de l'argent à long terme. David Lunze, responsable de la gestion de projets de construction en Suisse, se penche sur cette question dans son article paru récemment dans le magazine PME.

En Suisse, le changement climatique provoqué par l'homme est dû en grande partie aux immeubles d'habitation et commerciaux qui, selon l'Office fédéral de l'énergie, sont à l'origine d'environ un tiers des émissions nationales de CO₂. Les conséquences du changement climatique sont évidentes : par exemple, la température de l'air près du sol a augmenté de 2,5 degrés Celsius dans notre pays au cours des 150 dernières années, comme le montrent les mesures à long terme de l'Office fédéral de météorologie et de climatologie. C'est même 0,9 degré Celsius de plus que la moyenne mondiale, car la Suisse est éloignée des mers qui la refroidissent.

Un engagement en faveur de la durabilité

Conséquence de cette évolution, l'économie suisse doit elle aussi réfléchir de plus en plus à la durabilité, que ce soit pour des raisons éthiques, en raison des prix élevés de l'énergie ou des prescriptions juridiques de la Confédération et des cantons. La pénurie d'énergie fin 2022 a mis en évidence l'importance, y compris financière, de s'affranchir des sources d'énergie chargées en CO₂. Celles-ci ont vu leur prix augmenter massivement suite à la pandémie de Corona et au début de la guerre en Ukraine, ce qui a pesé sur les résultats financiers de nombreuses entreprises.

En outre, la Confédération prélève depuis 2008 une taxe sur le CO₂ sur les combustibles fossiles, actuellement de 120 francs par tonne de CO₂. Les entreprises peuvent se libérer de l'obligation de payer la taxe en s'engageant à réduire leurs émissions de CO₂.

Autre exemple : la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie prévoit l'interdiction des nouveaux chauffages au mazout et au gaz en Suisse d'ici 2030. Dans le canton de Zurich, ceux-ci doivent déjà être remplacés en fin de vie par des chauffages respectueux du climat.

Un cycle en quatre étapes

De nombreuses grandes entreprises ont réagi depuis longtemps à cette évolution et investissent chaque année des millions pour réduire ou compenser leurs émissions. Pourtant, les investissements initiaux ne doivent pas nécessairement être aussi élevés. Une inspection énergétique d'une demi-journée et une combinaison judicieuse de mesures sans investissement et de mesures d'investissement permettent déjà d'économiser 10 à 20 % d'énergie dans de nombreux immeubles commerciaux suisses, en fonction de l'âge des installations et du degré de maturité des efforts d'optimisation entrepris jusqu'à présent.

PME Magazine, Fig. I : Exemple de topologie générique de point de mesure

La "récolte" de tels "low hanging fruits" dans la gestion de l'énergie profite non seulement à l'environnement, mais aussi aux finances des entreprises : Les investissements sont généralement amortis au bout de cinq ans au maximum. Par exemple, rien qu'en adaptant les heures de fonctionnement du système de ventilation d'un bureau paysager, une entreprise peut réduire sa consommation d'énergie de 190 000 kilowattheures par an et économiser 30 000 francs. Cela signifie que la gestion de l'énergie est rentable, même pour les PME.

L'optimisation énergétique d'un bâtiment est efficace lorsqu'elle fait partie d'une "gestion de l'énergie" bien pensée. Par définition, la gestion de l'énergie est la combinaison de toutes les mesures qui assurent une utilisation minimale de l'énergie pour une performance requise - par exemple le climat ambiant pendant les heures de travail. Elle se réfère aux structures, aux processus et aux systèmes ainsi qu'aux comportements humains. Ce qui semble abstrait en théorie peut être mis en œuvre dans la pratique avec un effort raisonnable et des résultats rapides.

Les gestionnaires d'énergie spécialisés ont adopté un cycle en quatre étapes - dérivé du cycle PDAC (Plan - Do - Check - Act) : mesurer, analyser, optimiser et démontrer le succès.

Les données constituent la base

En matière de mesure, le principe "autant que nécessaire, aussi peu que possible" s'est imposé, car dans un bâtiment moderne, il serait possible de collecter d'énormes quantités de données à chaque étage - du nombre de cafés à la quantité de copies. C'est pourquoi un gestionnaire d'énergie commence souvent par définir, avec l'aide d'un collaborateur technique d'exploitation, ce que l'on appelle les "Significant Energy Usages" dans un bâtiment.

PME Magazine, Fig. III : Réduction de la consommation totale d'énergie

Ce sont des installations qui consomment beaucoup d'énergie et qui présentent un potentiel d'économie correspondant pour les deux fluides : électricité, chaleur, froid et eau. De nombreuses installations modernes sont équipées d'un compteur en usine et leurs données sont intéressantes pour le gestionnaire d'énergie. Là où le compteur fait défaut, un technicien du bâtiment l'installe et le connecte, avec les compteurs existants, à un système de gestion de l'énergie. Dans ce logiciel de gestion des données, les données collectées automatiquement sont classées, structurées et rassemblées.

 

Analyser et comprendre

Pour pouvoir tirer des conclusions des données collectées, le gestionnaire d'énergie les présente visuellement. Il peut par exemple visualiser la courbe de charge d'une installation de ventilation, c'est-à-dire la consommation annuelle en kilowattheures, ses émissions de CO₂ en kilogrammes ou les coûts engendrés. Il peut comparer ces graphiques aux valeurs de l'année précédente ou à ce que l'on appelle des trajectoires de réduction : des valeurs cibles définies pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et il peut intégrer d'autres facteurs pertinents, comme par exemple les données météorologiques, les données d'occupation ou le type d'utilisation.

 

L'analyse permet de se faire une idée de l'efficacité énergétique d'un bâtiment. Les valeurs de référence nationales sont particulièrement appréciées et utiles : quelle est la performance énergétique du bâtiment par rapport à d'autres immeubles commerciaux similaires en Suisse ? Un fournisseur professionnel de gestion énergétique peut l'évaluer grâce aux données de son portefeuille de clients.

 

L'analyse fait de plus en plus appel à l'intelligence artificielle, qui détecte les anomalies beaucoup plus rapidement qu'un gestionnaire d'énergie lorsqu'elle compare différents ensembles de données. Par exemple, si un bâtiment est peu utilisé le vendredi et que la consommation d'énergie reste élevée, les algorithmes d'analyse de l'intelligence artificielle le remarquent immédiatement. La tâche du gestionnaire d'énergie est alors d'interpréter cette anomalie et de prendre les mesures qui s'imposent si nécessaire. L'intelligence artificielle en tire des enseignements et adapte ses algorithmes.

 

L'expérience montre qu'une analyse énergétique révèle un potentiel d'optimisation dans chaque immeuble commercial suisse. La plupart du temps, les bâtiments, qui ont en moyenne 40 ans, sont optimisés exclusivement en fonction des utilisateurs et de leur confort, mais encore trop rarement en fonction de la consommation d'énergie.

  

Optimiser sur mesure

Sur la base de l'analyse des données, de la connaissance du bâtiment et du retour d'information sur son fonctionnement, le gestionnaire d'énergie définit des mesures permettant d'économiser l'énergie et de réduire les émissions de CO₂. Ces mesures peuvent être de type investissement ou non investissement. Une mesure non-investissante est l'adaptation des heures de fonctionnement d'une installation de ventilation, mentionnée plus haut. Voici trois mesures d'investissement tirées de la pratique :

' Application d'un film solaire dans le lobby pour réduire les besoins en refroidissement

' Réduction de la consommation d'énergie de 3330 kWh/an

' Réduction des coûts énergétiques de 500 CHF/an

' Payback dans les cinq ans

' Transformation des moyens d'éclairage du sous-sol, des tubes fluorescents traditionnels avec minuterie en tubes LED Retrofit avec détecteurs de mouvement intégrés

' Réduction de la consommation d'énergie de 13 000 kWh/an

' Réduction des coûts énergétiques de 2100 CHF/an

' Réduction des frais d'entretien de 180 CHF/an

' Payback dans les trois ans

' Transformation des moteurs de ventilation traditionnels (marche/arrêt) en moteurs de ventilation avec convertisseurs de fréquence intégrés (réglage en continu)

' Réduction de la consommation d'énergie de 25 000 kWh/an

' Réduction des coûts énergétiques de 6000 CHF/an

' Payback dans les deux ans

Un conseil professionnel en énergie, qui fait partie de la gestion de l'énergie, montre en outre aux entreprises à quel endroit elles peuvent utiliser de manière optimale leur budget de durabilité et où il est le plus avantageux d'économiser un kilogramme de CO₂. Le démantèlement d'un chauffage au mazout au profit d'une alternative sans CO₂ est par exemple plus avantageux qu'une rénovation de façade en termes d'économies de CO₂ et préférable comme première mesure, surtout si le budget est limité.

 

L'objectif en ligne de mire

Après la mesure, l'analyse et la mise en œuvre des premières mesures d'optimisation énergétique, il s'agit d'établir un rapport de réussite. Une représentation de la consommation générée par le système de gestion de l'énergie montre l'énergie dépensée, le CO₂ émis et le franc dépensé avant et après la mise en œuvre des mesures. Ces résultats montrent aux utilisateurs du bâtiment comment leurs efforts pour garder les fenêtres fermées, éteindre les moniteurs et porter un pull chaud en hiver aident le climat et l'entreprise.

Le management peut utiliser les conclusions des rapports pour présenter à l'extérieur sa contribution à une société plus durable, dans l'esprit du proverbe "Fais le bien et parles-en". En outre, les entreprises et les investissements seront de plus en plus évalués en termes de durabilité en raison des obligations de reporting, comme par exemple la taxonomie européenne. Les résultats de la gestion de l'énergie apportent une contribution essentielle à ces rapports.

La stratégie énergétique 2050 prévoit pour le parc immobilier suisse une réduction de la consommation de 90 à 65 TWh et, pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, les électeurs ont décidé de réduire les émissions de CO₂ à zéro net d'ici 2050.

Le thème de l'optimisation énergétique dans les bâtiments va prendre de l'importance dans les années à venir et sera également incontournable pour les PME. Aujourd'hui, plus de la moitié des bâtiments en Suisse ne sont pas optimisés sur le plan énergétique. Une gestion efficace de l'énergie est utile et payante.

Interview

No items found.

Profils de personnes

Mentionné dans cet article

Responsable Gestion de projets de construction Suisse

Dr. David Lunze

Depuis 2016, Dr. David Lunze dirige chez ISS Suisse le domaine de la gestion de projets de construction avec 120 ingénieurs et architectes. Il dispose d'une profonde expertise dans le domaine de la gestion du cycle de vie. Outre son diplôme d'ingénieur de l'Université technique de Berlin, il dispose d'un Ph.D. de l'EPF de Zurich.

Lire la suite

Cela pourrait aussi vous intéresser

No items found.

Nos dernières éditions